Hannah Arendt, peut-être la philosophe la plus influente du XXe siècle, a été arrêtée par les nazis en 1933, a fui vers les États-Unis, a été dépossédée de sa citoyenneté allemande et est restée apatride jusqu’à ce que les États-Unis l’accueillent deux décennies plus tard. Sa principale préoccupation était la “banalisation du mal”, comme elle le disait.
En tant que juive, elle ne voulait pas être appelée philosophe, mais théoricienne politique. Dans sa vie et son œuvre, elle a critiqué la démocratie représentative telle qu’elle est pratiquée aujourd’hui, défendant un modèle plus direct. Sa valeur principale était la liberté humaine en tant qu’antagoniste du totalitarisme, qu’il fallait combattre.
À ce sujet, elle a écrit: “les membres fanatisés sont insensibles à l’expérience et à l’argumentation ; l’identification au mouvement et la conformité totale semblent avoir détruit la capacité même de ressentir, même face à des choses aussi extrêmes que la torture ou la peur de la mort”.
Notre pays traverse un moment très critique de son histoire, qui pourrait avoir des répercussions sur l’histoire mondiale. Notre société donne naissance à un néofascisme, inspiré et influencé par le nazisme et d’autres mouvements du passé, mais encore plus radical, car il ne connaît pas de limites.
La modernité, avec sa vitesse et sa fluidité, comme l’a souligné Bauman, également un juif, a fait tomber les frontières, et nous commençons déjà à en voir les conséquences lorsque les robots gouvernent davantage que les humains dans les affaires courantes. Ce néofascisme pourrait devenir bien pire que ses prédécesseurs.
L’iconographie et l’art dramatique (théâtre, cinéma) du XXe siècle donnent parfois l’impression qu’Hitler et les nazis étaient des personnes terribles et redoutées, semant le chaos et la destruction partout où ils allaient, dominant l’Allemagne de manière dictatoriale. Au contraire, Hitler était idolâtré, des foules se rassemblaient pour l’écouter, les gens voulaient le toucher et lui serrer la main, les mères confiaient leurs enfants pour qu’il les tienne quand il passait. Les jeunes faisaient la queue pour s’engager dans le parti nazi ou les SS, animés d’un fervent patriotisme. Tout le monde portait des symboles nazis partout où il allait et leur salut emblématique était répété partout. La vérité est que l’Allemagne est tombée amoureuse d’Hitler et du nazisme. Un phénomène similaire s’est produit, à plus ou moins grande échelle, dans tous les pays qui sont tombés entre les griffes du fascisme, l’Italie, l’Espagne, le Portugal, etc. Hannah Arendt a passé sa vie à étudier les causes de ce type de comportement des masses.
Il est ironique qu’au Brésil, la patrie où Josef Mengele a pu terminer tranquillement ses jours sans jamais être puni pour ses crimes, un néofascisme se lève aujourd’hui, semblable à celui de ses contemporains. Utilisant une image biblique, le serpent doit être écrasé dès maintenant, avant qu’il ne soit trop tard.